vendredi 28 janvier 2011

Le bout de mon doigt sur le coin de ta bouche

Dans un mouvement vers l'avant, le front abat ses dernières réticences. De nouveaux muscles affleurent à la naissance des épaules. Le corps se renouvelle. Perdus entre des langues de terre, aux confins de chemins à l'aspect sinueux, des croisements de lignes apparaissent sous mes mains. Le terrain est lourd, chaud, tendu.

J'appuie le bout de mon doigt sur le coin de ta bouche.

Un genou replié. Je m'y adosse. Encore quelques soupirs sans équivoque. Encore quelques fragments de peau à atteindre. Il m'arrive de confondre la tête et le bas-ventre, d'inverser la nuit et le jour, de n'entendre que le bourdon scabreux qui résonne entre nous deux.

J'appuie le bout de mon doigt sur la veine de ton cou.

Un corps qui subitement n'offre plus aucune résistance. La pression est trop forte. Un corps qui se meurt et se vide. Un corps parmi d'autres, trituré dans l'effort. Un de plus. Une anatomie souillée de salive. Allongé sur le flanc, j'y colle ma joue et m'abandonne au silence.


"Le bout de mon doigt sur le coin de ta bouche"
Illustration Jel Ena - 19 février 2011

Jel Ena :
http://medusainfurs.deviantart.com

...Thank you Jel...

jeudi 20 janvier 2011

Le crâne pelé

Ce soir, je me retrouve à califourchon sur mon crâne pelé. Je ne sais pas comment je suis arrivé là. Un mouvement du corps ? Une émanation du coeur ? Peut-être est-ce l'avantage des chauves, des dégarnis, de ceux dont le caillou avance à découvert, libérés de leur roncier. Là-haut, sur mon dôme rutilant, j'observe le ciel et ses foutus nuages. Le spectacle est grotesque et sans intérêt. Je sais que le trouble est ailleurs.
Il est des lectures qui vous encornent sans prévenir au point de vous éveiller à la vie. Des histoires pourtant simples et d'une pudeur non feinte, dont l'écho soutenu rebondit entre les tempes. Parfois, il ne s'agit que d'un trait de mots, d'une ligne insignifiante. Le sentiment d'être dedans pendant que le plafond, les murs et le sol se désolidarisent et se replient les uns sur les autres.

lundi 10 janvier 2011

Le cabossé

Ce n'est pas ce que l'on voit.
Ce silence alourdi ponctué de cris sourds. Un visage éventré, un angle mort ou s'enfoncent des doigts atrophiés, rongés.
Reconnaissant le gonflement de ses veines, la torsion de son cou, la gravité de sa voix, je me recroqueville autour de sa carcasse.
A travers l'écaillure de ses bosses, comme une étrange ramure biscornue, des centaines de mains creusent une ride, toujours plus profonde, toujours plus douloureuse.
Et puis, se détachant de ce corps, un rire fourbu s'enracine dans le sol. La terre retournée, épaisse, crache ses morts.
Demain, il sera là, agenouillé sur son ombre, au milieu de tous, invisible de tous.
à Eric, 14 août 2010.

Eric Lacombe :